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Les "habitudes", ennemies du changement ?




Notre cerveau multiple

Nous avons plusieurs cerveaux, ou plutôt un cerveau dont les différentes parties sont complémentaires et jouent des rôles différents. Ce concept commence à être plutôt bien connu du grand public et a donné lieu déjà à de la vulgarisation et des explications multiples.

Vous avez sûrement lu ou entendu parler du fait qu'une partie de notre cerveau, la plus ancienne et primitive, gère nos réflexes de survie et démarre au quart de tour dès lors qu'elle perçoit un danger. Qualifié de "cerveau reptilien", ou d'"archaïque", c'est ce qui nous sauve la vie lorsqu'il faut échapper à un accident, fuir ou se battre. C'est aussi cette partie du cerveau qui nous épargne d'avoir à réfléchir pour prendre des milliers de décisions simples tout au long de la journée. C'est celle qui fonctionne comme un pilote automatique, dans un souci de performance, et qui agit avant tout dans un contexte connu, certain et maîtrisé. Celle encore qui nous permet de nous sentir bien et d'avoir l'impression de "faire ce qu'il faut quand il faut". Ses leviers, nous dit une vidéo que je mettrai en lien à la fin de cet article : la routine, la persévérance, la simplification, les certitudes, l'empirisme et l'image sociale.

Mais tout ne peut pas être géré ainsi et pour faire face à un environnement au contraire inconnu, incertain et non-maîtrisé, nous devons avoir recours à la partie de notre cerveau qui apprend, qui réfléchit, qui analyse, qui prend du recul sur les choses. Celle qui gère notre capacité d'adaptation et qui nous consomme aussi beaucoup plus d'énergie. Ses leviers d'action ? La curiosité, l'acceptation, la nuance, la prise de recul, la réflexion logique et l'opinion personnelle.

Dans un contexte de changement, face à l'incertitude, notre "pilote automatique" a du mal à passer la main à la partie adaptative. Et pour ne pas avoir à faire trop d'efforts, il a recours aux biais cognitifs (croyances dont nous n'avons pas conscience ou manières d'interpréter la réalité "à l'insu de notre plein gré"), des pensées irrationnelles générées par : les prédictions ("il va sûrement se passer ça", "ça ne peut pas marcher"), comparaisons ("il / elle est beaucoup mieux que moi"), autocritiques ("je suis trop rêveur. euse", "je ne sais pas faire"...), justifications ("j'ai dû faire cela parce que...")

Ce que nous révèle encore la vidéo que je vous partage, c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons tous à certains moments de notre vie, où nos deux parties de cerveau s'affrontent ou entrent en contradiction. Et où nous perdons nos moyens...


La "routine" a du bon

Cette longue introduction pour mettre l'accent sur la complexité qu'il y a à changer. Même quand on le souhaite et plus encore quand ce changement est imposé (dans une entreprise, par son conjoint, par un événement extérieur...).

Mais les "habitudes", les "routines" n'ont pas que du mauvais, vous l'aurez compris. Même s'il y a une tendance à valoriser les comportements audacieux, conquérants, innovants (surtout dans le monde d'aujourd'hui), la persévérance, la constance, la solidité ont leur vertu ! Et souvenons-nous que les "habitudes" nous permettent aussi d'être efficaces, performants... aux yeux de notre cerveau limbique tout au moins ! Et, sans entrer ici dans le détail des profils de personnalité (ce sera l'objet d'un autre article), bien sûr que nous ne sommes pas tous identiques sur le sujet. Si certains se lassent au bout de trois jours à refaire les mêmes choses, d'autres considèrent le moindre petit changement comme profondément anxiogène. J'exagère, bien sûr, mais nous connaissons tous des exemples proches de ces deux extrêmes... et beaucoup de personnes au milieu.

Faire preuve de curiosité, se mettre en déséquilibre, tenter des choses que l'on n'a jamais faites, oser s'accorder des choses qu'on ne s'est jamais accordées, rien de facile à cela ! Quand bien même on le souhaite très fort.

Quelques uns des principaux avantages de la routine et des habitudes :

  • Se rassurer, par la maîtrise de son environnement, des tâches à accomplir, la prévisibilité de ce qui va arriver ;

  • Assurer la performance, se sentir compétent, à sa place, se dire que l'on "sert à quelque chose" ;

  • Se poser, voire se reposer, pendant un temps avant de rebondir, et en particulier après avoir connu des difficultés personnelles ou professionnelles ;

  • Ancrer des apprentissages et se satisfaire des résultats, parce qu'apprendre nous coûte de l'énergie (même lorsqu'on aime ça) ;

  • Se sentir apaisé parce que pendant un temps, il n'y a pas d'obligation à "plus" ou "mieux" ou "différent"

  • ... je vous laisse ajouter à cette liste les raisons qui vous amènent à apprécier le calme de la routine.

Dans un monde en perpétuel mouvement, qui nous demande tous les jours d'être "la meilleure version de nous-mêmes", ou lorsque quelque chose d'important, voire de grave, nous arrive, se reposer sur les habitudes et une certaine routine est une source de bien-être. Qui n'a pas apprécié la routine d'un petit-déjeuner du dimanche, différente de celle de la semaine et qui vient incarner une respiration, un temps de pause très appréciable ?


De la routine au changement

La routine, le phénomène répétitif peuvent entraîner une forme de lassitude. Et, d'après Albert Camus dans Le mythe de Sisyphe de cette lassitude peut renaître l'envie de se remettre en dynamique. Je ne débattrai pas ici des interprétations du mythe, il y en a plusieurs. En revanche, lorsque la lassitude de la routine, voire la colère, émergent... le temps du changement n'est pas loin.

La philosophie du Yin Yang nous montre qu'après la phase d'abattement, la fatigue, le sentiment diffus de ne servir à rien, commence le retour vers le Yang. Sortir de l'abattement peut passer par une énergie proche de la colère, l'envie de tout remettre en cause pour vivre autrement.

La lassitude de la routine peut constituer le déclic pour changer. Le énième matin où l'on fait le même trajet vers le même lieu de travail pour y retrouver les mêmes collègues et y accomplir les mêmes tâches peut être le matin de trop. Celui où l'on prend la décision qui nous amènera vers autre chose. Je l'ai moi-même vécu. Ce moment de bascule, à la fois excitant et terrifiant. Mais celui aussi où l'on sait que l'on tient les rênes de nos vies (dans la mesure de nos possibilités bien sûr! !).


En conclusion, je dirai que la routine et les habitudes sont des garants d'une certaine tranquillité d'esprit. Nous en avons besoin à certains moments de nos vies pour poser une expertise professionnelle, pour ne pas avoir à consacrer trop d'énergie d'adaptation alors que notre esprit et notre énergie sont mobilisés ailleurs (par exemple lorsqu'on devient parent). Il n'y a rien de mal à cela, même si les discours ambiants veulent nous faire croire le contraire.

Et s'il est vrai que se remettre en dynamique et en mouvement peut nous coûter de l'énergie, il arrive un moment où l'envie d'autre chose apparaît. L'élan qu'elle suscite saura nous faire sortir de notre zone de confort.


Sources : podcast "Philosophie is sexy" et vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=bRyQHt0s3xs


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