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Histoire #1 - Décider de ne finalement pas changer



Lorsqu'un coaching démarre, on a un objectif global, une demande, un contrat avec la personne accompagnée et, c'est absolument essentiel, un lien de confiance mutuel qui s'est créé.

Pour autant, le coach doit se surveiller dans ses pensées, ses intentions, sa tendance éventuelle à "vouloir pour l'autre" au lieu de le/la laisser cheminer et avancer à sa propre vitesse, en tenant compte de ses ressources et de ses contraintes. Chacun a une manière spécifique d'aborder un changement et il est évident lorsqu'on entame un coaching, que l'on n'a aucune idée de ce qu'est ou a été l'histoire de vie de la personne, ni de la manière dont elle pense, agit, ressent.


Des aspirations et des envies ne sont pas un projet

Je voudrais partager ici l'histoire de Daniel (prénom modifié). M'ayant contactée sur recommandation, il est arrivé un samedi avec une question proche de celle de la plupart des personnes que j'accompagne : l'aider à faire le tri dans ses idées et ses envies, passer à l'action pour sortir des intentions dans lesquelles il tournait en rond, tout en n'étant pas satisfait de sa vie professionnelle actuelle.

Enseignant à temps partiel dans une école élémentaire, il aimait le contact avec les enfants et la possibilité de créer avec eux des activités à la fois amusantes et pédagogiques.

Mais beaucoup de désirs et d'envies, la lassitude face à certaines situations de sa vie professionnelle, l'incitaient à se penser "ailleurs", "différemment". Il avait d'ailleurs listé dans un cahier une somme conséquente d'idées, comme si le fait de les lister pouvait les faire exister un peu plus, voire leur donner corps.

Il me les montra lors des premières séances du coaching, me demandant de l'aider donc à y voir plus clair, à prioriser et finalement à identifier les actions à mettre en place pour évoluer et changer de job.

Il avait conscience que le fait de lister ainsi des idées aussi disparates que vouloir se spécialiser en cyber sécurité ou développer des talents artistiques, non seulement ne présentaient pas de réelle cohérence mais surtout le maintenaient dans une forme de fantasme vis-à-vis de lui-même qui n'avait pour conséquence que de renforcer sa frustration dans la vie réelle.


Reconstruire l'histoire

Comme souvent lorsque j'accompagne des personnes qui s'interrogent sur leur vie professionnelle mais qui se sentent en transition vers "autre chose", je commence par reposer les bases. C'est donc ce que nous avons fait avec Daniel, de manière à ce qu'il puisse prendre du recul sur son parcours jusque-là, qu'il se convainque aussi de ses atouts, qu'il identifie plus précisément ce qui le motivait ou ce qui ne lui plaisait pas. Ce premier temps, auquel je recours fréquemment avec des méthodes variées, est indispensable pour mieux se comprendre soi-même. Mais aussi pour s'apercevoir que les années ont permis d'engranger des connaissances, des compétences, de l'expérience. Et qu'arrivés à ce moment de notre vie, nous sommes en mesure de reconsidérer les choix faits par le passé. Pour les changer... ou pas.

Une partie de son parcours fit apparaître une tendance, qu'il se connaissait mais dont il ne mesurait pas toutes les implications : celle de se vouloir en "rupture“, un peu voire très anticonformiste, et détestant la superficialité dans laquelle nous placent beaucoup de relations sociales. Pour autant, il prit aussi conscience qu'avec les enfants, il pouvait justement être authentique et sincère, simple dans sa communication. Et s'amuser.

Petit à petit, au fil des séances, nous avons aussi travaillé sur sa manière d'être en relation avec ses collègues de travail, pour qu'il se sente mieux.

Son histoire était assez chaotique mais il avait trouvé dans son couple un point d'ancrage essentiel et qui lui servait de balise personnelle. Prendre également conscience de cela, travailler les dimensions professionnelles en les replaçant dans un contexte de vie personnelle et familiale, fut d'une grande aide pour poser de nouveaux repères.

Petit à petit, il raccrocha les éléments de son histoire passée aux caractéristiques de sa vie présente. Et mettant en balance l'ensemble des sphères de sa vie (personnelle, sociale, familiale, de couple, professionnelle), nous avons de moins en moins travaillé sa liste à la Prévert de vies professionnelles potentielles, pour se concentrer sur sa vie professionnelle actuelle.


Atterrir en douceur

Pour reprendre ce que je disais au début de cet article, la personne que je suis aurait pu avoir envie de le pousser vers l'une des options de voies professionnelles qu'il avait listées. A la merci de mes propres projections ou aspirations, j'aurais pu lui donner des conseils, orienter sa réflexion, l'amener à choisir au moins une des hypothèses qu'il avait imaginées.

En ne le faisant pas, je lui ai donné l'opportunité de regarder le présent différemment et "d'optimiser le présent" plutôt que de regarder ailleurs sans jamais passer à l'action. Plusieurs critères sont apparus au fur et à mesure des séances, comme le fait de vouloir continuer de consacrer du temps à ses enfants encore en bas âge. Ou le fait que sa femme avait repris des études et qu'il était important qu'il puisse avoir un emploi du temps stable et assez flexible ou léger, pour l'épauler dans leur vie familiale et de couple.

Les deux dernières séances du coaching ont été consacrées à cet "atterrissage en douceur", autrement dit au fait que changer de vie professionnelle, se relancer éventuellement dans une formation ou quitter son emploi actuel n'étaient pas pertinents à ce moment-là de sa vie. Cela ne signifie pas que dans 2 ou 3 ans cela ne se fera pas. Cela signifie simplement qu'il y a "un temps pour tout et un temps pour chaque chose", comme le dit la loi de l'Ecclésiaste, et que le moment du changement radical n'était pas arrivé pour lui.


Apprentissages

Chaque accompagnement est particulier. Chaque histoire est singulière. Et ce coaching avec Daniel m'a amené trois enseignements importants :

  1. Ne pas imaginer que les premières idées avancées par le/la coaché(e) doivent être prises pour "argent comptant", il s'agit d'abord de questionner leur genèse et ce à quoi elles répondent comme besoin profond ;

  2. Se garder des envies personnelles, mon tempérament actif aurait pu me pousser à précipiter le coaché dans l'action, or il n'y était pas prêt ;

  3. Un changement n'est pas toujours "radical", il peut être minime et préparer à un changement plus grand que l'on ne soupçonne pas encore.

J'ai beaucoup apprécié le travail mené avec Daniel, dont l'aventure de vie était riche mais assez difficile. Sa décision de rester dans son poste en en tirant le meilleur est presque une illustration du principe de réalité : faire au mieux avec ce que l'on a. Ce qui ne veut pas dire que, depuis, il n'a pas mis à exécution son désir de changer de vie.


(Crédit image : Maegan Martin)


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