Pour certains, "tout est un choix". Opter pour le bon ou le mauvais style de vie, aussi. Si j'adhère pour une part à cette posture éminemment individualiste et responsabilisante (nous sommes les choix que nous faisons dit-on parfois), je me suis rendu compte que quelque chose me freinait face à cette affirmation. Quelque chose qui me mettait mal à l'aise et me donnait l'impression que l'on faisait reposer trop de responsabilités sur les épaules de la personne concernée. Ce "quelque chose" s'appelle "les déterminants psychologiques/sociologiques". Et si mes convictions de sociologue restent l'individualisme méthodologique, il n'en reste pas moins que nous subissons tous, malgré nous, des influences inconscientes ou involontaires, qui sans nous "déterminer" (je déteste ce mot), impactent nos convictions, nos croyances, nos principes et valeurs et par extension, nos jugements et décisions.
Richard Wiseman, dans son livre "Luck factor" ("Le facteur chance"), montre bien à quel point la chance "n'existe pas". Elle est avant tout un état d'esprit, une posture d'ouverture et d'optimisme, de vision positive. Bien sûr, il reste l'aléa. Celui du piano qui tombe du 5è étage ou de la voisine du dessus qui a mal éteint le gaz. Mais pour tout le reste, pour tout ce sur quoi nous avons une prise, si petite soit-elle, nous avons le choix. D'ailleurs, la prochaine fois que quelqu'un vous dira "je n'ai pas le choix" ou "je n'avais pas le choix", demandez-vous "ne peut-il/elle vraiment pas ou, au fond, ne veut-il/elle pas ?"... Cela changera radicalement aussi la manière dont vous recevrez l'information et l'acceptation que vous pourrez en avoir.
Mais revenons à cette histoire de choix. L'approche "classique" des processus de choix en sciences économiques, met en avant un être humain faisant des choix éclairés en s'appuyant sur l'information dont il dispose. Cet homo oeconomicus dit rationnel est un pur produit de l'esprit puisque nous savons bien que :
L'information pure et parfaite n'existe pas,
Nous sommes tous soumis à des influences que nous ne maîtrisons pas.
Ainsi, lorsque nous faisons des choix, les faisons-nous en essayant d'optimiser du mieux que nous pouvons l'information dont nous disposons, en écoutant plus ou moins notre intuition (selon les gens, cette proportion d'intuition varie considérablement) et en fonction de nos valeurs ou de nos convictions. Etant entendu que sur ce dernier point nous ne pouvons faire fi de ce que notre héritage familiale, psychologique et sociologique nous a légué. Et c'est bien à partir de là que les choses se compliquent. Car si l'on peut reprocher à une personne le choix qu'elle a fait, on ne peut lui tenir rigueur à 100% de ce choix, celui-ci ayant été le fruit de multiples influences plus ou moins maîtrisables.
Mais. Car il y a un mais. Mais il est toujours possible de prendre le temps du recul et de s'interroger sur ce qui nous a amené à faire tel ou tel choix. Il est toujours possible de se dire "ai-je bien agi dans ce cas-là ? Ne pouvais-je agir autrement ? D'une façon plus loyale, plus logique, plus honnête, plus courageuse, moins bornée... ?". Il est toujours possible non pas de faire marche arrière (parfois malheureusement c'est impossible) mais de se reprendre, de modifier sa manière de vivre ou son cadre de vie, de renouer un lien brisé en changeant sa façon d'être. Il est aussi possible d'accepter et d'assumer ses mauvais choix en se disant "et maintenant ?", en regardant vers l'avenir et en agissant différemment de ce que l'on avait fait jusque là.
Prendre conscience des mécanismes qui ont pu jouer malgré nous est parfois un premier pas. Quels schémas familiaux avons-nous reproduit ? Quelles "évidences sociologiques avons-nous tenu pour acquises qui nous ont empêché d'agir autrement ? Quels environnements avons-nous côtoyé qui nous ont façonné, influencé et amené à voir les choses sous un certain prisme ?
Mais la prise de conscience ne suffit pas. Et tout commence après. Tout commence dès lors que l'on souhaite changer les choses ou vivre différemment en ayant "digéré" ce qui doit l'être, en mettant en place les actions correctrices qui viendront contrecarrer ce que nous voyons désormais comme des mauvais choix.
Il est également inutile de s'auto-flageller... Même si dans la prise de conscience, nous passons tous par une phase de remise en question, voire de colère contre cet "ancien Moi" qui n'a pas pris les bonnes décisions. Un jour, une thérapeute m'a dit : "ne vous en voulez pas aujourd'hui de ce que vous avez fait il y a 15 ans. La décision que vous avez prise à l'époque, vous l'avez prise en fonction de qui vous étiez à ce moment-là et avec les informations dont vous disposiez à ce moment-là". J'ajouterais aujourd'hui "en fonction de l'influence des déterminants qui s'exerçaient sur moi à ce moment-là".
Plutôt que de s'en vouloir de choix que nous avons fait ou plutôt que de condamner ceux que d'autres ont fait que nous considérons comme mauvais, prenons le temps du recul pour comprendre au mieux ce qui s'est joué, bifurquons s'il le faut pour aller dans une direction qui nous convient davantage et, pourquoi pas, aidons l'autre à y voir clair pour faire des choix nouveaux et différents. S'il ne veut rien entendre, au moins saura-t-il que nous n'approuvons pas et qu'il/elle pourrait ou aurait pu faire différemment.
Il n'y a pas de fatalité mais il est vrai que parfois nous choisissons mal. A nous de corriger le tir au mieux et de savoir nous remettre en question pour avancer et être le plus heureux qu'il nous soit possible de l'être.
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